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Mohamed Najem, musicien avant tout
Mohamed Najem, palestinien de 32 ans, incarne une nouvelle génération de musiciens talentueux du Proche Orient. Il a participé à de nombreux projets musicaux d'envergure en Palestine et sait les difficultés à faire vivre la culture en situation de conflit.
Invité par l'Université populaire du Pays Basque, dans le cadre de ses journées de rencontres sur la Palestine, Mohamed Najem et son groupe "Mohamed Najem and friends" ont donné un concert, mercredi 17 août à Baigorri. L'occasion de rencontrer un musicien accompli, acteur majeur de la scène musicale palestinienne, à la croisée de la musique classique, du jazz et des musiques traditionnelles arabes. Il est aussi un témoin des difficultés à oeuvrer pour la culture en marge d'un conflit toujours présent en toile de fond.
Mohamed Najem a aimé la musique très tôt. Il ne naît pas dans une famille de musiciens, mais son père est plutôt du genre mélomane. Avec des goûts éclectiques. "On écoutait aussi bien la musique classique arabe, du classique, du jazz ou de la variété". Et lorsqu'éclate la première intifada en 1987, le petit Mohamed est souvent cloîtré chez lui à écouter de la musique. Il est attiré par le violon mais, impossible de l'apprendre. Jusqu'à l'ouverture du conservatoire de Bethléem en 1997. Là, un professeur lui fait découvrir la clarinette. Le début d'une longue histoire d'amour.
"La musique est vite devenue pour moi une porte ouverte vers l'ailleurs et un moyen de dépasser mes peurs". "Une porte ouverte" qui lui permet en 2006 de venir étudier au conservatoire d'Angers. Revenu en Palestine en 2011, il devient le premier professeur professionnel de clarinette palestinien et enseigne également le ney. La clarinette n'est pas un instrument traditionnel dans la musique arabe, mais il veut lui donner ses lettres de noblesses.
Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, la culture a parfois du mal à trouver sa place. "Des personnes me demandaient pourquoi jouer de la musique alors qu'il venait par exemple d'y avoir des morts". Pas facile également de vivre de la musique. Le Conservatoire Edward Said bénéficie de l'appui de différentes ONG internationales car les subsides de l'Autorité palestinienne restent limités. Autorité "accaparée par les questions sécuritaires", même si Mohamed Najem reconnaît une amélioration de l'aide matérielle ces derniers temps.
"Aujourd'hui un orchestre, demain un état"
En 2004, Mohamed Najem participe à la création de l'orchestre des jeunes palestiniens. Un formidable outil pour tisser des liens avec la diaspora. Mohamed Najem se souvient encore, une lueur dans les yeux, de la première résidence à Jerash en Jordanie et de la rencontre avec ses compatriotes exilés. "Ce projet va motiver tous les autres". Et Mohamed Najem de rappeler alors les mots du directeur de l'orchestre, Suhail Khory : "aujourd'hui un orchestre, demain un état".
La soif de reconnaissance passe aussi par la musique et, à défaut d'état, c'est le premier orchestre classique professionnel palestinien qui est créé en 2011. Là encore, Mohamed Najem est de l'aventure. Une belle aventure humaine, comme pour ces musiciens palestiniens d'Allemagne dont les parents avaient préféré couper les ponts avec la Palestine, "à cause d'avoir trop souffert". Des musiciens qui découvrent alors la terre de leurs ancêtres via l'orchestre national.
Devenir une sorte de vitrine a aussi le revers de la médaille. "Au début, notre conservatoire s'appelait le conservatoire national de Palestine", explique M. Najem. Les liens n'étaient pas toujours évidents avec l'Autorité palestinienne et le conservatoire a dû changer de nom pour s'appeler Edward Said, du nom du célèbre intellectuel et militant palestinien. "Avec la musique nous allons bien au-delà de la politique".
Mixité sociale au conservatoire Edward Said Dans les différentes antennes du conservatoire, la mixité sociale est plutôt de mise, excepté à Ramalah où vit une classe moyenne plus aisée. Avec l'appui d'ONG, le conservatoire offre un système de bourses aux élèves. "Nous tenons à rester vigilants que cela ne coûte pas trop cher aux familles". Et le conservatoire vient également d'ouvrir une antenne à Gaza. "Nous avons réussi à faire venir une vingtaine d'enfants et leurs professeurs à Ramallah pendant une semaine, avec l'appui de l'ONU". Une permission de sortie incroyable de la prison à ciel ouvert de Gaza.
Mohamed Najem savoure également le fait d'avoir attiré du public en Palestine. "Ce n'est pas vraiment dans la culture palestinienne d'aller au concert, la musique étant traditionnellement réservée aux mariages ou aux fêtes, mais aujourd'hui les gens viennent écouter du classique".
"Je n'ai pas envie d'être appelé juste parce que je suis palestinien"
Le musicien palestinien a déjà reçu des propositions pour jouer avec des musiciens israéliens. "J'ai préféré refuser car cela montrait une image d'entente ne reflétant pas la réalité. Et je n'ai pas envie d'être appelé juste parce que je suis palestinien. Je veux être appelé parce que je suis musicien, reconnu en tant que tel". Il vit désormais en France mais garde des liens étroits avec la Palestine. Avec son groupe "Mohamed Najem and friends", il revisite les compositions orientales à la sauce jazzy et forme également un duo avec l'accordéoniste allemand Manfred Leuchter. Avec, quoiqu'il arrive, la Palestine au fond du coeur.
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